A Vicious Undertow. Jesper Just et les jeux de charmes

Commençons par une petite description ! A Vicious Undertow, film d’une durée de 10 minutes, s’amorce avec une vue sur un tapis brodé proposant des motifs japonais. Succède à celle-ci un premier plan présentant une femme assise dans un fauteuil, vue de dos. Elle se trouve dans un bar. Autour, il y a des banquettes et des tables. Le climat est chaud et propice à l’exploitation des charmes… Pendant quelques secondes, après s’être arrêtée pour contempler son cou et ses cheveux clairs, la caméra se fixe sur le visage de la femme aux allures fatales. Ses yeux sont soulignés par le trait noir de son maquillage. Son regard vif et enjôleur révèle à la fois une force de caractère et une tristesse. Elle n’est plus tout à fait dans la fleur de l’âge. Elle siffle… Doucement, elle se tourne et aperçoit une jeune femme assise dans une banquette, qui lui répond en sifflant. Un rapport de séduction s’impose entre elles. La jeune caresse le tissu de la banquette. L’autre, du bout de ses doigts, effleure sa gorge, son cou et ses lèvres. L’alternance entre les regards et les caresses suscite la curiosité du spectateur. Que va-t-il se produire ? Un troisième personnage fait alors son entrée. Il s’agit d’un homme. Ce dernier devient l’objet de rivalité entre les deux femmes. Cette rivalité s’incarne à travers une valse où il y a échange entre les partenaires. L’intensité de la musique manifeste les dynamiques qui évoluent au rythme de la danse. Soudainement, la femme aux cheveux clairs se retire, quitte le bar et monte un grand escalier blanc, qui longe une tour. L’histoire se termine ! A Vicious Undertow est un récit muet. C’est parce qu’ils n’ont pas de noms que nous utilisons des caractéristiques pour identifier les personnages. Chaque regard et chaque geste devient un élément clé pour comprendre leur état psychologique et leur identité. Ce choix formel, qui comporte une part énigmatique, cultive notre intérêt et nourrit notre imagination parce que rien n’est gratuit ! Tout est suggéré avec réserve et finesse pour nous faire rêver. L’option du film en noir et blanc participe également au mystère ! Le noir n’évoque-t-il pas le secret ? Cette esthétique, qui nous fait penser aux premiers films d’Hitchcock, accentue le suspense. Elle sous-entend que l’artiste souhaite nous interroger et nous maintenir dans un état d’attente face à la suite des événements. S’ajoute à ceci le bar, un huit clos, où se déroule l’action. Étroit et sombre, il crée un effet d’intimité. Nous nous sentons interpellés par la relation entre les personnages, car nous avons l’impression d’être sur les lieux en tant que témoins. La salle peinte en noir, sans fenêtre ni éclairage, où est présentée l’œuvre, maximise cet effet. C’est par la proximité que provoque l’obscurité que nous sommes immédiatement touchés. Just fait preuve d’une grande ingéniosité dans cette mise en scène. Un autre aspect original est à souligner, l’orchestration de la relation entre les personnages par la musique. Complexe et subtile, elle nous permet d’identifier certains moments forts, qui autrement passeraient inaperçus. Avec cette théâtralité, où Just veut en venir ? Car le film laisse place à de multiples interprétations. Pouvons-nous véritablement parler d’un duel entre deux femmes ou d’un trio amoureux ? Rien n’est sûr ! De nombreuses pistes de réflexions sont soulevées mais elles demeurent sans réponse. Nous sommes laissés dans une mer d’incertitudes où tous les traitements restent en surface. C’est la principale faiblesse de A Vicious Undertow. Néanmoins, les thèmes effleurés demeurent passionnants, dont la séduction propre aux femmes. Peau, tissus, bijoux, maquillage, regard, caresses, tous participent à l’exploration de leur sensualité. Nous pouvons presque sentir leur parfum. Certains pourront reprocher à l’artiste de tomber dans le fétichisme avec son attention portée à des détails comme c’est le cas lorsque la caméra se fixe sur des jambes vêtues de bas collants noirs ou des pieds chaussés de talons aiguilles. Pour notre part, ces détails ont été très appréciés. Ils sont non seulement justifiés par la séduction, qui semble être le thème central de l’œuvre, mais soulignés de manière raffinée et élégante. La délicatesse est au rendez-vous ! L’œuvre A Vicious Undertow montre que Jesper Just est un véritable maître dans l’art de bricoler des atmosphères et d’explorer les rapports de séduction. Proposant une histoire de charmes sans parole, l’œuvre met en scène un magnifique concert visuel. Gestes et musique s’harmonisent et font savourer au spectateur le plaisir de contempler l’univers de la tentation. Nous vous invitons à consulter le site web de l’artiste : www.jesperjust.com

A Vicious Undertow. Jesper Just et les jeux de charmes
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