Les enfants talibés : Une réalité quotidienne au Sénégal

En effet, dans certains pays comme le Sénégal, on rencontre des enfants dans les rues, aux marchés ou dans les stations de bus, etc. Ces enfants portent des vêtements sales et déchirés, des boîtes de conserve dans leurs fragiles mains dont ils se servent quotidiennement pour faire la quête dont ils dépendent pour survivre. On les appelle les enfants talibés. Les talibés sont des élèves âgés de 5 à 25 ans qui reçoivent d’un marabout (religieux ayant approfondi divers aspects de la religion musulmane) un apprentissage gratuit du Coran. En échange, les talibés s’acquittent de divers services comme des travaux domestiques, mais payent également de l’argent au marabout, en guise de payement pour leur formation. C’est pour cette raison que la plupart des talibés, surtout les enfants qui ne disposent pas d’autres revenus, passent la majeure partie de leur temps dans les rues à quêter non seulement leur nourriture, mais également de l’argent pour leur maître. L’éducation des talibés se dispense dans les daaras qui sont des écoles coraniques situées, la plupart du temps, loin du village et parfois même à l’étranger. Au Sénégal, les talibés ont toujours fait partie du décor historique et culturel du pays. Mais aujourd’hui, ce sont les enfants qui sont de plus en plus affectés par ce système et leurs conditions de vie prennent aujourd’hui une tournure catastrophique. En effet, certains marabouts mal intentionnés obligent ces enfants à mendier et leur imposent parfois un certain montant d’argent à rapporter quotidiennement sous peine de châtiments corporels et d’insultes. Ce phénomène devenu incontrôlable au Sénégal depuis les années 80 peut être expliqué, entre autres, par deux facteurs : la religion /la culture et l’économie du pays. Les facteurs religieux et culturel L’identité culturelle d’une communauté est, dans la plupart des sociétés, indissociable de l’identité religieuse. En effet, la culture et la religion sont si fusionnées, notamment dans les pays où la religion joue un grand rôle comme au Sénégal, qu’il est parfois difficile de distinguer la différence entre ces deux facteurs. Au Sénégal, la population, en majorité musulmane (90 % de la population), attache beaucoup d’importance à la religion. Par conséquent, beaucoup de parents musulmans n’hésitent pas à envoyer leur progéniture chez des maîtres coraniques pour y apprendre le Coran dont les préceptes devront guider leurs comportements quotidiens durant toute leur vie. L’importance accordée à la religion et le prestige dont bénéficient les marabouts en tant qu’autorité morale fait d’eux des hommes craints et respectés dont la parole et les actions sont rarement remises en question. Ce statut qui leur est conféré explique, par ailleurs, pourquoi les marabouts qui abusent de leur pouvoir en incitant les enfants à la mendicité ne sont pas dénoncés. Le facteur économique
Le Sénégal est parmi les pays les plus pauvres d’Afrique et beaucoup des familles sont si démunies qu’elles parviennent difficilement à subvenir aux besoins de leurs enfants. Ainsi, en confiant un enfant à un marabout, ils font d’une pierre deux coups : ils ont une charge de moins tout en s’acquittant d’une obligation morale et religieuse. Dans la même veine, la pauvreté est l’une des raisons qui incitent certains marabouts à envoyer les enfants talibés mendier. En effet, ces religieux ne reçoivent pas toujours le support financier escompté de la part des parents ou du gouvernement. Pour s’en sortir, ils doivent se débrouiller pour éviter la fermeture des écoles coraniques. Dans ce cas, la mendicité devient une solution pour parer à ce problème. Pour comprendre la pénurie que connaît aujourd’hui l’Afrique, il importe d’en évoquer les causes principales, entre autres, les perturbations qu’éprouve le secteur agricole. Celles-ci sont provoquées notamment par les calamités environnementales comme la sécheresse, l’érosion du sol, les invasions acridiennes ainsi que par les conflits multiples qui défient toute organisation dans tous les secteurs. Ensuite, le manque d’infrastructure adéquat, de modernisation de l’agriculture et d’équipements sans parler des conséquences engendrées par le commerce international viennent s’ajouter à ce triste tableau. En effet, depuis l’avènement du libre échange, le domaine agricole achoppe à une impasse flagrante. Pour briser la concurrence, les pays du Nord subventionnent les produits agricoles qui sont vendus à un prix bas sur le marché mondial, devançant ainsi les paysans du Sud qui n’obtiennent aucun support gouvernemental. Or, le secteur agricole est le moteur de l’économie africaine et occupe, au Sénégal, les deux tiers de la population dans les villages.
Les pistes de solution Les enfants sont des êtres fragiles et leur place n’est pas dans les rues, mais à la maison ou sur les bancs de l’école. En effet, une éducation facilement accessible doit être dispensée aux enfants de la rue pour leur assurer un avenir meilleur. Certes, l’école coranique n’est pas ce qu’on pourrait attendre d’une scolarisation normale mais, en l’acceptant telle quelle, le gouvernement et les parents devraient du moins contribuer financièrement aux dépenses de cette institution afin que les maîtres puissent se passer de la mendicité des talibés. Une autre action à prendre serait de sensibiliser les parents sur l’importance de leur prise de responsabilité envers leurs enfants au lieu de les confier aveuglement aux marabouts. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement sénégalais devrait se pencher sur les mesures stratégiques de lutte contre la pauvreté pour assurer la sécurité alimentaire des citoyens, notamment dans les terroirs où l’agriculture est délaissée, ce qui plonge les populations dans une pauvreté de plus en plus accrue. Par ailleurs, il va s’en dire que tous les efforts doivent être accompagnés d’une législation efficace et opérationnelle pour les personnes qui ne respectent pas les droits des enfants. À cet effet, des sanctions rigoureuses devraient être appliquées aux marabouts qui ne respectent pas les lois et qui abusent de leur autorité en maintenant ces enfants talibés dans une sorte d’esclavage.

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