Les logiciels Open source : réservé aux techniciens IT ?

Depuis quelques années, les logiciels Open source connaissent un développement constant et doivent faire face à une demande toujours croissante. L’association professionnelle Zea Partners basée à LLN illustre à merveille cet engouement pour le monde du logiciel libre. ZEA Partners, issu d’un écosystème qui a généré plus de 500 PME en 5 ans, regroupe 24 PME innovantes dans 4 continents, spécialisées dans le développement et les services liés aux logiciels Open source Plone et Zope et ne compte pas s’arrêter là. Rencontre avec son CEO, Xavier Heymans. Quelle est l’attitude de l’Union Européenne à l’égard du modèle économique Open Source ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 50 % des nouveaux emplois sont créés dans le secteur des nouvelles technologies. 70% des développeurs Open source sont basés en Europe. La majorité des réussites mondiales a démarré en Europe. Le modèle économique de l’Open source a permis la création de milliers de PME en Europe.
Ce modèle économique a la particularité de renforcer le leadership européen dans un secteur d’avenir, tout en favorisant le développement de PME offrant des services de proximité. L’Open Source est une forme de commerce équitable qui permet les mêmes retombées économiques dans les pays en voie de développement. Ses valeurs se basent sur la collaboration et l’intérêt collectif.
Je pense que l’Europe souhaite soutenir le secteur. Une difficulté rencontrée est le manque de visibilité des PME du secteur face aux intérêts des multinationales. Ceci met en évidence l’importance du rôle d’associations comme Zea Partners visant la promotion des PME offrant des services professionnels basés sur des technologies Open source. Quel est le principal défaut du modèle propriétaire et quelle réponse donne la technologie Open Source à cette problématique ? Dans le modèle propriétaire, les entreprises cadenassent leur marché. Les clients deviennent dépendants de leurs fournisseurs. Si le fournisseur fait faillite ou s’il augmente ses prix, le client n’a d’autre choix que de payer ou de faire face à un réinvestissement important pour changer de technologie.
Le modèle économique de l’Open source a l’avantage d’éviter cette dépendance. Le client a accès au code et peut à tout moment changer de fournisseur. Comment un étudiant intéressé pourrait-il lancer son projet dans ce contexte ? Quel(s) conseil(s) lui donneriez-vous ? Le monde de l’Open source est un monde d’entrepreneurs ouvert aux jeunes. Il leur offre l’avantage de pouvoir se familiariser progressivement au modèle économique. Participer à une communauté Open source permet d’accroître ses compétences, se faire connaître et développer son réseau de contacts au niveau international. Compétences et réseau sont des facteurs clefs pour réussir un projet d’entreprenariat.
L’important est de s’impliquer, la collaboration étroite dans une communauté Open source assure une formation rapide, pouvant être suivie de jobs et de contrats. Il manque des personnes compétentes dans le domaine. Des centaines de jeunes ont réussi, pourquoi pas vous ?
Dans ce cadre, quelles idées avez-vous pour faire naître cet esprit Open Source chez les jeunes ? Cette année, en collaboration avec le Kot Linux, nous souhaitons promouvoir les échanges entre étudiants, développeurs professionnels et utilisateurs. Certaines activités seront très techniques, d’autres de sensibilisation. L’objectif est de permettre aux étudiants de mieux comprendre notre secteur d’activité et, s’ils le souhaitent, y prendre une part active.
Dans un registre non technique, il me semble également nécessaire de développer des échanges favorisant la compréhension du modèle économique, des aspects de gestion et sociologiques des communautés Open source. La réussite du modèle de l’Open source se base sur un nouveau modèle d’organisation, encore trop peu compris. Ces aspects non techniques sont également sources d’opportunités. Insistons sur le fait que les programmes de recherche de l’UE sont fortement orientés vers la compréhension des aspects non techniques.
La plupart des nouvelles PME se développe autour de personnalités complémentaires : un technicien de haut niveau et un commercial ou gestionnaire. Que manque-t-il à la communauté Open source pour qu’elle puisse se développer pleinement ? Comme c’est un monde où l’on trouve 99% de techniciens, leur langage et leur vision sont bien évidemment techniques. Je dirais qu’il faudrait intégrer d’autres compétences dans la réalisation de tels projets. Ce qui ouvre la porte à des personnes qui comprennent le secteur précis de l’entreprise afin d’utiliser au mieux les capacités de cette technologie, des individus qui maîtrisent le modèle économique pour en faire la promotion ou des juristes pour gérer les problèmes légaux liés à la création des PME. On a tendance, lorsqu’on parle de l’Open source, à évoquer seulement l’aspect technique alors que l’aspect business est au moins aussi important. Une chose est de créer une technologie, une autre est de prendre le marché.
Idéalement, pour qu’une PME soit viable il faut trouver un équilibre : 60% de techniciens, 40% de personnes s’occupant des autres domaines (aspect commercial, juridique). Or, dans la communauté Open source, ce mélange de compétence n’est actuellement pas assez présent ce qui pénalise son développement sur le marché.
De plus, le modèle économique Open source est encore trop méconnu. Je crois qu’à ce niveau, il y a un sérieux effort à faire en termes de diffusion afin que l’Open source soit reconnu.
Un facteur qui freine l’adoption de logiciels Open source, c’est la visibilité du modèle économique. C’est une des raisons qui a motivé la création de Zea Partners. Pourquoi les technologies Open Source s’oriente-t-elle entre autre vers le secteur public ? Les communauté Open source ont des valeurs proches du secteur public : collaboration et intérêt collectif. L’intérêt collectif est un facteur de cohésion de la communauté Open source. Rappelons que la propriété intellectuelle des projets Open source est intégralement mise dans le domaine public. D’autre part, le secteur public doit depuis longtemps faire place à des pratiques commerciales cadenassant les marchés. De nombreux acteurs souhaitent mettre fin à cette dépendance technologique, très coûteuse pour la collectivité.
La Belgique a choisi de favoriser les standards ouverts et les logiciels Open source. La collaboration progressive entre secteur public et communauté Open source est donc un win/win pour les différents secteurs.
Citons comme exemple le projet CommunesPlone, un projet de collaboratif Open source auquel participent déjà une douzaine de communes belges (www.communesplone.org). Ce projet innovant a été lancé et est géré par des communes. Zea Partners regroupe aujourd’hui 24 PME. Quelle plus-value cela procure-t-il aux membres de participer à ce réseau d’entreprises ? La mise en réseau renforce chaque PME membre par l’effet de masse et offre une meilleure visibilité. Ce n’est pas le seul effet positif. Faire partie d’une association implique un plus grand investissement et une étroite collaboration de la part de chacun. La mise en commun des ressources permet aux participants du réseau de travailler sur des projets plus complexes où chacun peut développer ses compétences.
D’ailleurs, au-delà des flux de rémunérations, ce qui unit les collaborateurs d’une communauté Open source, c’est une finalité positive dans un projet collectif pour faire progresser la technologie. L’association apporte l’expérience de toutes les autres PME travaillant en concours dans le même réseau.
Dans un secteur qui demande encore beaucoup de développements, le fait de collaborer et d’échanger l’expérience acquise avec les autres membres du réseau permet de se former plus facilement et plus rapidement.
Chez ZEA nous avons une vraie dynamique de groupe qui attire les personnes les plus motivées, ayant le plus grand potentiel. Tout cela nous permet de réaliser du concret pour la collectivité. Zea Partners participe à la réalisation de plusieurs projets internationaux. Pouvez-vous nous en parler ? En fait, nous nous sommes rendu compte que construire une association comme la nôtre en reposant notre financement sur les PME qui la composent ne nous permettait pas de rassembler les budgets nécessaires pour obtenir l’impact voulu sur le marché. Dès lors s’investir dans des projets d’envergure est une manière de promouvoir notre association au niveau international tout en oeuvrant à la réalisation d’objectifs intéressants. Par ailleurs, cela nous a procuré un plus grand impact en termes de reconnaissance et de visibilité.
Ainsi, nous avons réalisé, pour les Nations Unies, le portail de gestion de crise de l’UNJLC Nous avons aussi collaboré à la mise en place du portail d’OXFAM International.
Tout cela a permis de financer des modules que l’on trouve dans la technologie Open source, dans Plone, et qui sont réutilisés en Belgique par des utilisateurs tels que le Musée Royal de l’Afrique Centrale, le Parlement Francophone Bruxellois, la Vlaamse Gemeenschap….
Zea Partners participe également à des projets de recherche européens sur l’Open source tels que Calibre, Qualoss et Flossmetrics. Les 2 derniers qui viennent de démarrer ont trait à la qualité software. Propos recueillis par Vincent Jodard Pour plus d’informations : www.plone.be
www.zope.org
www.zeapartners.org Lexique : Plone est un CMS – Content Management System, qui permet de construire des portails Web et des intranets collaboratifs.
Zope est un serveur d’applications web.

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