Où en est la Convention sur la diversité biologique ?

Voilà ce que nous révélait, en mars 2005, l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM). Ce rapport scientifique, rédigé par 1300 experts provenant de 95 pays, est destiné à fournir aux décideurs et au public une source d’informations quant aux liens qui existent entre les changements au sein des écosystèmes et le bien-être de l’humain. De plus, au début février, le rapport GEO 2007 du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) nous annonçait que la quasi-totalité des ressources halieutiques aurait disparu des océans d’ici 2050. La situation est d’autant plus alarmante qu’elle se répercute inexorablement sur notre développement économique et social. En effet, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime d’ailleurs qu’au moins 40% de l’économie mondiale et près de 80% des besoins de base (nourriture, carburant, logement) des populations les moins nanties sont tributaires des ressources biologiques. Quelle mise en œuvre nationale ? Dans un entretien accordé à Objectif Terre à l’été 2006, Ahmed Djoghlaf, le nouveau Secrétaire exécutif de la Convention sur la diversité biologique (CDB), affirmait que sa première priorité serait le renforcement de la mise en œuvre de la Convention. « Je ne dis pas que cela n’a pas eu lieu avant, avance-t-il, mais nous devons renforcer les efforts en vue d’ancrer la CDB et ses décisions dans le vécu collectif des peuples de la planète. La priorité est d’intégrer les objectifs et buts de la CDB aux priorités mêmes des gouvernements ». La tâche sera ardue. Quinze ans après sa création, la CDB vit encore dans l’ombre de sa « convention sœur », la convention cadre sur les changements climatiques (CCNUCC), également ouverte à signature en même temps, lors du Sommet de Rio. Dans plusieurs pays, la connaissance de la CDB ne s’étend pas au-delà d’un cercle restreint composé de biologistes, d’écologistes, d’ONG et d’institutions concernées. Pourquoi la CDB est-elle encore si peu connue au sein de la société civile ? Est-ce parce que la notion même de « biodiversité » est en soi plus abstraite que, par exemple, celle du changement climatique ? Est-ce dû au champ d’action très large que sous-tendent les objectifs de la Convention ? Pourtant, la situation est urgente. L’édition de juillet 2006 de la revue Nature publiait à cet effet une déclaration signée par d’éminents scientifiques qui estimaient que la Terre se « trouverait au bord d’une crise majeure de la biodiversité ». Ces derniers réitèrent aussi le fait que la biodiversité est « plus locale par nature en termes de répartition et de gestion ». Le libellé de la CDB affirme d’ailleurs clairement la souveraineté des États sur leurs ressources biologiques. La mise en œuvre de la Convention repose donc en grande partie sur les mesures adoptées par ceux-ci et sur leurs conséquences locales. Plans d’action et stratégies nationales furent donc demandés aux Parties afin que les objectifs de la Convention soient intégrés aux agendas politiques de chacune d’entre elles. Le niveau d’application de ces plans et stratégies demeure cependant difficile à mesurer et très inégal, comme en témoignent les rapports nationaux remis jusqu’à maintenant. Afin d’identifier les difficultés rencontrées par les Parties dans la mise en œuvre de la CDB et pouvoir ensuite pallier à celles-ci, un Groupe de travail spécial a été créé en 2005. Sa deuxième réunion, en juillet prochain, pourrait apporter un nouveau souffle à la mise en œuvre nationale de la CDB. Une évolution complexe Avec une forte adhésion quasi-universelle, l’évolution de la Convention sur la diversité biologique s’est alourdie par les attentes, souvent divergentes, de ses nombreux acteurs. Les objectifs ambitieux de cette Convention apparaissent comme une arme à double tranchant. D’un côté, ils permettent de considérer la question de la biodiversité de façon complète et non seulement sous l’angle de la conservation. De l’autre, ils amènent un programme de travail très vaste où les gouvernements peinent à s’entendre sur des priorités communes. De plus, la complexité même de l’organisation, le flou entourant le rôle que doivent jouer les groupes de consultation scientifique, créés au sein de la Convention, et le fossé entre politiques et sciences de la biodiversité ne sont que quelques-uns des obstacles qui ralentissent l’évolution de la Convention. Malgré cela, certaines avancées opérationnelles furent accomplies. Mentionnons notamment l’adoption d’un cadre de mise en œuvre favorisant une approche par écosystème, la création de programmes de travail pour chacun des thèmes principaux de la CDB ou encore le développement d’initiatives pour protéger les savoirs traditionnels des communautés autochtones et locales. On lui doit également la création du Protocole de Cartagena sur les risques biotechnologiques et l’adoption, en 2002, du premier plan stratégique de la convention visant à diminuer de façon significative le rythme de perte de biodiversité d’ici 2010. Toutefois, la Convention et ses « outils » représentent avant tout un cadre servant à guider les actions nationales, véritables moteurs du changement. Que reste-il à espérer ? Issue du Sommet de Rio de 1992, la Convention sur la diversité biologique (CDB) progresse difficilement vers l’atteinte de ses objectifs. Les défis auxquels devront se mesurer les artisans de la CDB sont de taille. Conscients de cette réalité, les signataires ont tenté, en 2002, de donner un second souffle au processus en s’engageant plus modestement à « assurer d’ici à 2010 une forte réduction du rythme actuel de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national à titre de contribution à l’atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur la planète ». L’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM) a dernièrement conclu que ce plan stratégique, contenant « l’Objectif 2010 », requiert de ses signataires qu’ils trouvent de toute urgence un équilibre entre les objectifs de développement durable et leurs priorités à court terme. Quinze ans après sa signature, la CDB n’a pas réussi à ralentir le rythme global de perte de biodiversité. Cependant, elle reste encore l’outil le plus approprié pour permettre aux États de développer et de partager un vocabulaire commun nécessaire à toute action coordonnée d’une telle ampleur. Historique de la Convention sur la diversité biologique Au deuxième Sommet de la Terre à Rio, en 1992, un texte ambitieux était signé et ratifié l’année suivante par 175 États. L’objectif n’était pas mince : assurer la « conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques », en instaurant un ensemble de règles, de normes et de procédure servant de cadre aux Parties. La CDB – dont les États-Unis de Bush père ont récusé la ratification dans le but de protéger les multinationales de la biotechnologie et de la pharmacologie – marquait ainsi l’aboutissement de vastes négociations organisées sous l’égide du PNUE qui, dès le début des années 1970, identifiait la « conservation de la nature et des ressources génétiques comme une priorité ». Il faudra cependant attendre la fin des années 1980 pour que le PNUE mandate formellement un groupe de travail afin d’élaborer un instrument juridique international destiné à conserver et utiliser de façon durable la diversité biologique.

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