Transparence norvégienne

Une douche norvégienne n’est souvent constituée que d’un plancher et d’une pommeau de douche. Tout réceptacle, muret ou
autre péribole étant un investissement excessif pour bon nombre de Norvégiens. Ces derniers sont pourtant réputés mondialement pour leur richesse par habitant, la capitale, Oslo, occupant régulièrement la place de la ville la plus chère d’Europe. Après les classements de richesse, voici les listes de revenus. Cette année encore, le quotidien Dagbladet rend publiques
les surnommées skattelistene, listes des salariés et de leur imposition. « Les opinions sont très divisées quant à ce système ; certains l’endossent de tout coeur, tandis que d’autres s’y opposent fermement », explique Torry Pedersen, directeur administratif du Verdens Gang, un tabloïd norvégien. Il suffit
d’avoir un nom en tête, par exemple celui de l’actuel premier ministre Jens Stoltenberg, et d’avoir une connexion Internet. Dès lors, en entrant ce nom dans la section « søk i skattelistene »,
on apprend que le premier ministre travailliste a gagné 1 101 918 couronnes norvégiennes en 2006, soit environ 200 000 dollars canadiens. Où débute la transgression ? Si ce n’était que son salaire. Mais voilà que, dans un désir de transparence, on indique simultanément sa date de naissance, l’impôt qu’il a payé et une myriade d’autres données allant du très
personnel au très loufoque. Ainsi, on apprend que l’impôt sur le revenu de M. Stoltenberg a contribué, en 2006, à faire voler un avion F-16 pendant huit heures, trois minutes et quatre secondes, un calcul théorique et rhétorique. Puis, dans la commune de l’individu concerné par notre recherche, l’on peut vérifier l’identité des personnes les plus riches – et des plus pauvres, s’entend – en les classant selon leur salaire annuel,
leur impôt payé la même année et même selon la valeur de leurs possessions immobilières. Derechef, on apprend que le premier ministre gagne 343 % de la moyenne salariale des Osloïtes, qu’il paie 441 % de l’impôt payé en moyenne dans la capitale norvégienne et qu’il n’a pas de possessions immobilières. Ce « service » est aussi offert par d’autres médias, par exemple par le Verdens Gang, un des quotidiens les plus distribués en Norvège, dont le site Internet permet aussi la comparaison d’individus en
générant des graphiques à bandes. Cette liste n’est pas sans précédent. Quiconque voulait la consulter pouvait autrefois le faire à l’Hôtel de ville. L’information relative aux impôts, taxes et possessions des Norvégiens est disponible « depuis plus de deux cents ans. Les registres n’étaient disponibles que pendant trois semaines », confirme Torry Pedersen, du Verdens Gang. La nouveauté réside plutôt en la publication de cette liste par les médias contemporains depuis 2000. En 2003, une loi interdit leur publication par les organismes non
gouvernementaux. Les députés la réhabiliteront en 2007, puisque, selon eux, elle empêchait le journalisme d’investigation. Ce système comporte plusieurs lacunes. En effet, « certaines frictions surgissent entre ces enfants qui explorent la richesse des parents de leurs camarades de classe », explique Eileen Eldjarn, une jeune Osloïte qui ne sent aucunement la nécessité de
consulter les skattelistene. La « chose privée », rendue publique, devenue disponible par le site Internet d’un organe non gouvernemental, de tabloïds de surcroît, a de quoi faire réfléchir. Bonjour monsieur Riendeau,
Je trouve très pertinent que l’on soit aussi transparent dans ce pays lointain pour certains et si près pour d’autres. Car c’est de l’argent du peuple dont il est ici question. Et même un chef d’entreprise privée devrait être transparent. Car c’est aussi l’argent du peuple : les consomateurs de biens et services ne sont-ils pas les vrais patron ?
Si, señor,
Bravo pour cet article ! Robert Riendeau Le journal indépendant de l’Université de Montréal Quartier Libre est le principal journal des étudiants de l’Université de Montréal (UdeM). Organe de diffusion indépendant de la direction de l’UdeM, Quartier Libre est un bimensuel distribué à plus de 7000 exemplaires sur et autour du campus. Quartier Libre compte sur la collaboration de plusieurs étudiants (dans différents domaines d’étude) de l’UdeM et de quelques journalistes extérieurs. Il se veut un journal école, un tremplin pour les étudiants qui souhaitent faire carrière en journalisme et se donne comme mandat de traiter de tous les sujets chauds du campus de l’UdeM et d’ailleurs, de faire des analyses sur des thèmes de société et internationaux et de promouvoir la culture émergeante qui n’est pas ou peu couverte par les autres journaux québécois. Innovateur et dynamique, il a été nommé « meilleur journal étudiant du Canada » par Paul Wells, chroniqueur au magazine canadien Macleans. L’ensemble de la rédaction est rémunéré pour son travail. L’équipe rédactionnelle 2007-2008 est composée de Rachelle Mc Duff (directrice et rédactrice en chef), Clément Sabourin (chef de pupitre campus), Julie Delporte (chef de pupitre culture), Thomas Gerbet (chef de pupitre société-monde) et Clément de Gaulejac (directeur artistique).

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