Accession de la Norvège à l’Union européenne

La Norvège et l’UE ont cependant une relation plus complexe que celle entre Québec et Ottawa. Malgré le fait que la Norvège ne soit pas membre de l’UE, elle y est tout de même intégrée de façon importante. Sur le plan économique, le pays fait partie, depuis 1994, du Marché intérieur européen (EEA). La Norvège doit donc se soumettre aux décisions de l’UE et introduire dans ses propres lois les politiques adoptées dans divers domaines tels que l’environnement, la culture, la recherche, l’éducation et la protection des consommateurs. La Norvège fait aussi partie de la zone Schengen, espace de libre circulation des biens et des personnes entre les frontières des 24 pays européens membres. Sur le plan de la défense, le pays est membre à part entière du Nordic Battlegroup aux côtés de la Suède, de l’Estonie, de l’Irlande et de la Finlande. Ce groupe de près de 3000 soldats peut être déployé à tout moment par une décision du Conseil de l’UE, sans compter la contribution de quelque 240 millions d’euros par année de la Norvège à l’UE, qui n’en fait pourtant pas partie. « C’est une relation très dense et asymétrique, affirme Ulf Sverdrup, chercheur au Centre d’études européennes ARENA de l’Université d’Oslo. Elle est dense parce que nous sommes intégrés de façon importante à l’UE et que nous devons nous adapter aux politiques qui y sont adoptées. La relation est asymétrique parce que ces décisions sont prises sans qu’on ait vraiment notre mot à dire. » C’est une situation que le premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, a déjà qualifié de fax democracy, les politiques à incorporer dans les lois norvégiennes arrivant de Bruxelles par télécopieur. Une mission presque impossible Pas facile, bref, d’influencer un processus décisionnel lorsqu’on n’en est pas partie. C’est d’ailleurs le plus grand défi auquel fait face la délégation norvégienne à l’UE. « Nous tentons d’influencer du mieux que nous pouvons les décisions prises au sein de l’UE tout en demeurant à l’intérieur des limites qui nous sont imposées. Nous sommes les yeux et les oreilles du gouvernement norvégien à Bruxelles », affirme Rune Bjåstad, conseiller et directeur des communications de la délégation de la Norvège à l’UE. Plus d’une cinquantaine de personnes font partie de la délégation norvégienne. Elles suivent quotidiennement les derniers développements concernant l’élaboration des politiques et des directives émanant de la Commission, du Parlement et du Conseil des ministres. Elles participent à plus de 400 comités et tentent d’influencer les décideurs afin qu’ils tiennent compte du point de vue norvégien. Les résultats de ces efforts ne sont cependant pas faciles à quantifier. « C’est difficile de mesurer le travail accompli par les diplomates norvégiens, affirme Rune Bjåstad. L’UE est une institution qui comporte plusieurs paliers décisionnels et des centaines de personnes contribuent à l’élaboration de chacune des politiques. » Au fil des années, les diplomates norvégiens ont pu développer de solides alliances non seulement avec leurs voisins scandinaves, mais aussi avec d’autres pays, alliances qui varient selon les politiques qui sont proposées par la Commission. Le dilemme de l’accession Le débat sur l’accession de la Norvège à l’UE ne date pas d’hier. En fait c’est une question à laquelle sont confrontés les citoyens norvégiens depuis les premiers balbutiements de l’UE. En 1961, la Norvège a tenté une première fois d’accéder à ce qui s’appelait alors la Communauté européenne, mais sans succès. Lors du premier référendum sur l’accession, en septembre 1972, l’option du « non » l’a emporté par une mince majorité de 53,5%, entraînant ainsi la démission du gouvernement norvégien. La question de l’accession a dès lors été mise de côté pour quelques décennies. La fin de la guerre froide, la volonté de certains pays autrefois neutres, comme la Suède et la Finlande, à joindre l’UE ainsi que les négociations en vue de la signature de l’EEA ont ouvert une nouvelle fenêtre d’opportunité pour l’accession de la Norvège en 1994. Encore une fois, et malgré des résultats positifs chez leurs voisins scandinaves, les Norvégiens ont rejeté le projet d’adhésion à l’UE par une faible majorité de 52%. « Certains Norvégiens ont une vision très romancée de notre relation avec l’UE, croit Ulf Sverdrup. Ils se croient différents du reste de l’Europe, parlent de la façon norvégienne de faire les choses, de nos valeurs distinctes. Ils parlent d’une certaine résistance du petit pays face au géant européen. » Il s’agit d’une façon de penser très présente dans les régions rurales du nord et de la côte ouest du pays, où l’opposition à l’UE a toujours été plus forte que dans la grande région métropolitaine d’Oslo. Cela dit, les sondages ont démontré tout au long du processus qui aurait pu mener à l’accession, de 1993 à 1994, que l’option d’adhérer à l’UE n’a jamais obtenu plus de 50% de la faveur populaire. Cette peur de l’UE s’expliquerait, d’une part, par certains aspects sociologiques, mentionnés précédemment, mais aussi, et surtout, par des éléments d’ordre économique. L’abondance des ressources naturelles de la Norvège est la principale force du pays. En effet, les minéraux, les pêcheries, mais surtout le pétrole et le gaz naturel sont les moteurs de l’économie norvégienne depuis des années. Certains opposants à l’accession à l’UE craignent de perdre le contrôle de ces importantes ressources ou d’avoir à payer des taxes à l’UE (ce qui reste peu probable). D’autres détracteurs évoquent les vertus du statu quo, de la possibilité, pour la Norvège, de prendre ses propres décisions et d’adopter ses propres politiques. Le contrôle de la monnaie est aussi un argument important, quoique de nombreux pays, comme la Suède et le Danemark, aient conservé leur monnaie nationale au sein de l’Union européenne. « Il faudrait vraiment un choc incroyable, un effondrement de l’économie norvégienne pour que l’appui à l’Union européenne s’intensifie, affirme Ulf Sverdrup. Tant que les politiciens ne seront pas convaincus que l’opinion publique y est favorable, ils ne se risqueront pas, de peur de perdre un troisième référendum. » Donc, tant que l’économie norvégienne se portera bien, il est peu probable que l’opinion publique prenne le virage européen. Pour l’instant, les Norvégiens semblent satisfaits du statu quo. Et si l’on se fie aux ressources pétrolières importantes du pays qui, selon certaines analyses, vont permettre à la Norvège de soutenir une production constante pendant au moins 50 ans, la situation économique n’est pas près de se détériorer. Bref, les conditions gagnantes d’un prochain référendum sur l’accession de la Norvège à l’Union européenne semblent bien loin d’être réunies.

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