L’euro grimpe, Airbus pique du nez

« La surévaluation de l’euro est une erreur économique grave », avait lancé le 18 décembre Nicolas Sarkozy à Charleville-Mézières, dans le cadre de sa campagne présidentielle. Le cours actuel de la monnaie européenne « rend le travail européen cher et le travail du reste du monde moins cher », « tire les salaires vers le bas », « pénalise nos industries » et « incite aux délocalisations », a dénoncé le candidat. Mais les habitants de Toulouse, eux, auront surtout retenu cette envolée du candidat de la droite sur l’industrie de l’aéronautique : « Continuons comme cela et on ne pourra plus fabriquer un Airbus en Europe. Le dollar sera devenu si bon marché qu’on ira faire fabriquer l’Airbus aux États-Unis » Rhétorique de politicien ? Auteur d’un ouvrage sur l’impact de la mondialisation sur Airbus et économiste à L’Université de Toulouse Le Mirail, Med Kechidi lui donne raison. « Il y a une forte pression sur les sous-traitants pour qu’ils produisent leurs composantes dans une zone dollar. » Il estime que l’euro a eu un impact de 20 à 30 % sur le renchérissement du prix d’un avion Airbus. Depuis la négociation du prix initial du plus gros transporteur au monde, le A-380, Airbus a dû gonfler le prix de son appareil vedette de 40 %. Le poids des actionnaires Derrière Airbus se cache EADS, dont la mégastructure a permis la réunion d’entreprises anciennement sous contrôle étatique au sein d’un consortium européen. Mais le passage entre nationalisation et privatisation ne se fait pas toujours fait sans heurts. « EADS, tout comme Airbus, dépend maintenant tellement de ses actionnaires que la maison mère ne veut pas assumer le coût de la flambée de l’euro, pour ne pas nuire aux dividendes de ses actionnaires. Elle refile donc le problème aux sous-traitants », explique Vincent Frigant, spécialiste de l’aéronautique au Groupe de recherches économiques et sociales à l’Université Bordeaux 4. « Et la montée de l’euro, c’est un phénomène qui dure et ce n’est sûrement pas fini, c’est cela qui est inquiétant », poursuit-il. Les sous-traitants sollicitent donc non seulement le Maghreb et l’Europe de l’est, mais également les États-Unis. Les entreprises américaines deviennent ainsi des fournisseurs à rabais pour le géant européen… Un impact tangible de la mondialisation sur l’avionneur européen, d’après Med Kechidi. Cette stratégie a toutefois ses limites, selon le chercheur de Toulouse. « Les coûts les plus importants vont toujours demeurer en Europe, notamment la main-œuvre qualifiée et la recherche et développement. » Vincent Frigant de l’Université Bordeaux 4 se refuse le pessimisme de son collègue et minimise l’impact de la sous-traitance américaine. « Ils s’affolent toujours à Bordeaux ! », échappe-t-il même à la blague. Pour lui, tous les réseaux de sous-traitants en aéronautique s’internationalisent. Des fournisseurs américains font affaire avec Airbus, des compagnies françaises signent des contrats avec Boeing… « Pour l’instant, il n’y a pas encore de vainqueur, ni de perdant. Tout le monde s’en sort. »

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