Les balades en voiture Tatra, les changeurs au noir, le lait vendu dans les sachets en plastique, les coiffures à la mode socialiste… Tels sont les détails de l’ère communiste, qui nous manquent parfois, et que la télévision publique tchèque (ČTV2) propose de redécouvrir, depuis le 6 février, dans son émission Retro. Six épisodes autour des thèmes de la mode, du design et de la société tchécoslovaque après 1948. Certains nostalgiques du système seront sans doute gênés par l’analyse qui y est faite de cette période. « Nous n’avons pas créé Retro dans l’idée de critiquer le passé, précise pourtant Jan Rozkošný, l’un des deux producteurs de l’émission. Nous voulons replacer le phénomène socialiste dans son contexte. À l’époque, beaucoup de gens ne savaient pas pourquoi le système marchait de cette façon, pourquoi il y avait si peu de denrées. » Bizarrerie du passé Pas de nostalgie sentimentale donc, mais des enquêtes approfondies. « Le sujet de la seconde émission portait sur les épiceries en libre-service (samoobsluhy). Nous avons interrogé des vendeurs de l’époque, mais aussi des économistes », explique Jan Rozkošný. En comparant le problème de pénurie avec celui de la Pologne, Retro montre par exemple que la situation tchécoslovaque n’était finalement pas si mauvaise. Retro s’adresse aux anciens, mais aussi aux jeunes pour qu’ils réalisent à quoi ressemblait la vie de leurs parents. Si beaucoup, aujourd’hui, considèrent que l’époque communiste est une bizarrerie du passé, Jan Rozkošný, lui, trouve que « l’obsession de collectionner les Céčka (petits « C »), ces maillons en plastique que nous avons présentés dans la première émission, n’est finalement pas si différente de l’attitude des consommateurs d’aujourd’hui ». Le public s’y met Pour Augustin Fischer, un Slovaque né dans les années cinquante, « le problème dans la société actuelle, c’est le refus d’aborder le passé. Je me souviens encore des colliers de Céčka, nous ne les avons pas jetés afin que nos enfants se rendent compte de ce qui nous amusait lorsque nous étions petits ». La rédaction a reçu de nombreuses lettres de téléspectateurs plus âgés qui expriment leur surprise de découvrir de nouvelles choses sur leur passé. « Non seulement nous recevons de bons retours, mais le public nous conseille sur les prochains sujets, se réjouit Jan Rozkošný. C’est une bonne chose que Retro devienne une émission interactive. » Une interactivité qui permet à l’émission de ne pas se couper du présent : mais peut-être cela va-t-il de soi dans un pays où le parti communiste non réformé (KSCM) est légal et occupe la troisième place à la Chambre des députés.
Au temps béni des pénuries