Avancer à contre-courant

Les principes anarchistes vont à contre-courant de la société capitaliste dans laquelle nous vivons. Au-delà de leur caricature d’« anti-tout », leurs convictions ne les excluent pas forcément de la cité. Plutôt que de s’isoler, les personnes rencontrées choisissent de s’impliquer dans le monde qui les entoure. Le premier obstacle est de supporter son
emploi. Francis Dupuis-Déri est professeur en sciences politiques
à l’UQAM, il « déteste les rapports hiérarchiques et les horaires de neuf à cinq heures, cinq jours semaine. » Pour cela, l’université est un bon employeur. Seule ombre au tableau : cette profession paie bien. « Je
déteste l’argent. C’est bête à dire, mais j’en ai beaucoup. Je n’ai pas de
voiture, pas d’enfants, pas de condos, mais je suis bien content de
pouvoir me payer des livres et des voyages », explique-t-il. Christina Xydous, quant à elle, travaille pour le comité logement POPIR. Elle explique qu’« au travail, il y a une hiérarchie à la fois formelle et informelle. Il y a un conseil d’administration mais en pratique, les gens
présents au quotidien prennent des décisions, peu importe leur rang. »
Pour elle, impossible d’échapper complètement à la hiérarchie : « On
reste des produits de la société. » Christina Xydous n’est pas une
puriste, car pour elle, l’anarchie est une utopie et elle sait que le monde
ne sera jamais parfait. « La révolution est constante, il faut toujours avoir un esprit critique », avance-t-elle. Sala et Chiara habitent en collectif dans le quartier Hochelaga Maisonneuve. Ils n’ont pas de travail salarié en ce moment. Sala a 24 ans et a déjà travaillé jusqu’à 70 heures par semaine. Il en a tiré cette conclusion : « Plus tu travailles, plus tu consommes et plus tu es dépendant. Je me méfie beaucoup du travail et de l’argent maintenant
 ». C’est pourquoi il contribue, aujourd’hui, à ce collectif basé sur
l’entraide. Il veut travailler peu, pour consommer peu et désapprendre à
fonctionner avec l’argent. Quant à Chiara, elle vit sur les économies
qu’elle s’est faites en travaillant comme chef cuisinière. Elle consacre maintenant son temps dans le Rhizome. Ce collectif est constitué de douze personnes « qui contribuent de manière financière, émotionnelle et physique » à la vie du réseau. « On résout les problèmes de manière
démocratique. Je ne crois pas à l’anarchie sans respect. On est libre,
mais on pense aux conséquences de nos actes », précise Chiara. Des contradictions inévitables Vivre dans notre société et avoir des idéaux anarchistes est un paradoxe en soi. Mais l’anarchie est avant tout un mode de pensée, pas une religion qui impose des commandements. « Pour moi, la question de la contradiction est très judéo-chrétienne, ça me donne l’impression d’être à la confesse », affirme Francis Dupuis-Déri, avant d’avouer que les contradictions issue de cette idéologie en opposition sont fréquentes. « Les capitalistes et les néolibéraux vivent aussi les leurs, comme lorsqu’ils font hériter leurs enfants ou demandent à l’État de subventionner l’industrie de l’armement », se défend-il. Tous sont d’avis que les contradictions sont inévitables et admettent qu’à moins d’habiter sur une île déserte, ils sont obligés de faire des compromis. Sala pense que ce serait une erreur de se figer sur des règles strictes. Selon lui, un anarchiste doit prendre son temps et travailler en catimini. De la même façon, il voit le collectif Rhizome
comme un atelier, pas une fin en soi. Tous hésitent aussi à se désigner comme de purs anarchistes. Mais au quotidien, ils vont dans le sens de leurs idéaux. Christina Xydous travaille pour le droit des locataires. Francis Dupuis-Déri enseigne les idées politiques et participe à une association contre la brutalité policière. L’an prochain, il enseignera la théorie et la pratique anarchistes à l’UQAM. Quant à Sala et Chiara, ils font vivre leur collectif
libertaire, leur petite utopie. Définition de l’anarchisme Uri Gordon, chercheur et activiste israélien qui a passé plusieurs années au sein de groupes anarchistes, isole plusieurs traits communs aux anarchistes contemporains :
• S’opposent à la construction de la domination.
• Lorsqu’ils s’organisent, cela prend des formes non autoritaires, non hiérarchiques, basées sur le consensus et les affinités.
• L’action directe (alternatives constructives ou confrontation sans faire appel à des intermédiaires économique ou politique) ou le travail pour la communauté comme expressions politiques. Uri Gordon note une tendance au rejet de l’appellation même
d’« anarchiste » au profit d’autre qualificatifs comme « autonomes
 », « anti-autoritaristes » ou « horizontaux » mais pour lui, le résultat est le même. (Thomas GERBET) Source : Uri Gordon, Anarchsim reloaded, paru dans le Journal of Political
Ideologies en 2007 Le journal indépendant de l’Université de Montréal Quartier Libre est le principal journal des étudiants de l’Université de Montréal (UdeM). Organe de diffusion indépendant de la direction de l’UdeM, Quartier Libre est un bimensuel distribué à plus de 7000 exemplaires sur et autour du campus. Quartier Libre compte sur la collaboration de plusieurs étudiants (dans différents domaines d’étude) de l’UdeM et de quelques journalistes extérieurs. Il se veut un journal école, un tremplin pour les étudiants qui souhaitent faire carrière en journalisme et se donne comme mandat de traiter de tous les sujets chauds du campus de l’UdeM et d’ailleurs, de faire des analyses sur des thèmes de société et internationaux et de promouvoir la culture émergeante qui n’est pas ou peu couverte par les autres journaux québécois. Innovateur et dynamique, il a été nommé « meilleur journal étudiant du Canada » par Paul Wells, chroniqueur au magazine canadien Macleans. L’ensemble de la rédaction est rémunéré pour son travail. L’équipe rédactionnelle 2007-2008 est composée de Rachelle Mc Duff (directrice et rédactrice en chef), Clément Sabourin (chef de pupitre campus), Julie Delporte (chef de pupitre culture), Thomas Gerbet (chef de pupitre société-monde) et Clément de Gaulejac (directeur artistique).

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