Dans le cadre de cette exposition, vous ne verrez pas des œuvres mais bel et bien des montages photographiques, qui attestent des recherches artistiques menées par Bill Vazan. Il ne s’agit pas de photographies d’art. C’est pourquoi certains pourront être déçus par la qualité des images présentées… Toutefois, l’actualité des chemins photographiques empruntés par l’artiste vaut le déplacement ! Dans la première salle, sur un mur, parmi plusieurs projets artistiques, une centaine d’images en noir et blanc de la ville de Montréal nous est suggérée. Du côté droit des images esquissant une forme rectangulaire, un ruban adhésif noir révèle un parcours. Ce tracé en dit long sur le concept proposé au visiteur. La ligne est l’élément central de cette rétrospective de la démarche de Bill Vazan. Pour ceux qui l’ignorent, Vazan est associé au mouvement artistique que l’on nomme land art. Qu’est-ce que le land art ? Très à la mode dans les années 1960, l’objectif de cette pratique était d’intégrer l’art dans la vie quotidienne. Les artistes adhérant à cette tendance ne voulaient pas que l’art soit exclusivement montré dans les musées et les lieux d’exposition. L’art devait être intégré dans les lieux publics, les parcs et en architecture. Le projet composé des images en noir et blanc et du tracé au ruban adhésif, qui s’intitule Highway 37, témoigne de cette tendance du land art. C’est le circuit emprunté par l’artiste, en volkswagen, autour de l’Ile de Montréal, le 8 août 1970. À travers ces clichés, le visiteur découvre le Montréal à jamais disparu. Cette ville n’était pas ce qu’elle est devenue… Il y avait moins d’édifices et la Place des arts était bien différente… Toutefois, nous réussissons à identifier certaines architectures propres à la métropole comme le Pont Jacques-Cartier et des rues comme Notre-Dame et Sainte-Catherine. Nous reconnaissons également certains bâtiments aujourd’hui détruits dont le stationnement style new-yorkais, qui était situé dans le Vieux-Montréal sur la rue Notre-Dame. Il est intéressant de noter que l’importance de la ligne dans la démarche de Vazan révèle, entre autres, ses préoccupations concernant le lien qui unit tous les hommes et le temps. Au fur et à mesure que les années s’écoulent, le visage des villes se transforme pour ne laisser que les traces des hommes, d’une culture, d’une époque révolue. Des générations meurent, d’autres naissent avec de nouvelles idées, de nouvelles valeurs… Worldline, réalisé le 5 mars 1971, permet de bien saisir la ligne que tente d’élaborer Vazan et qui permettrait de lier le monde. Worldline propose une ligne imaginaire créée à partir de segments de ruban gommé, qui avaient été mis sur des planchers à 25 endroits précis, de façon à dessiner une ligne faisant le tour de la planète. L’angle de chaque segment avait été soigneusement calculé. Si l’artiste les avait prolongé, chacun se serait joint aux autres. 1000 cartes postales atteste également l’engouement de l’artiste pour la ligne du temps. Pendant deux ans (1970-1972), Vazan a envoyé une carte à un ami, Ian Wallace. Vazan marquait chacune de celles-ci d’un trait au crayon d’un pouce. Ces cartes ont été présentées par VOX, centre de l’image contemporaine, dans un album approprié à cet effet où le visiteur est invité à les consulté. Nous pouvons en voir des commerciales et d’autres faites à la main. Est-ce Vazan qui les a dessiné ? De tous les projets artistiques, Intercommunication Lines (1968-2002) est sans aucun doute celui qui illustre le mieux la fascination du concepteur pour la ligne, symbole de la communication entre les hommes de cultures diverses. Amorcé en 1968, cette carte géographique, qui présente une multitude de lignes faites à l’encre, reliant plusieurs pays et régions du monde, évoque l’esprit d’ouverture qui régnait alors à Montréal. Rappelons qu’un an plus tôt, Montréal avait reçu l’Expo 67 où 53 pays étaient représentés (notamment, la Scandinavie, le Japon, la France et les États-Unis). L’événement, qui accueillit plus de 50 millions de visiteurs, marque un tournant dans l’histoire économique, urbanistique, sociale et culturelle de Montréal. Imprégnés de nostalgie, les projets de Vazan interpelleront ceux qui, comme nous, n’avons pas connu cette époque et les années florissantes de la métropole. Montréal naissait et tentait de s’inscrire parmi les grandes villes sur la map tel un grand centre. À l’occasion de cette rétrospective, les organisateurs ont eu la merveilleuse idée de fouiner dans les archives de l’Université Concordia pour nous rappeler la petite histoire du 1er centre d’artiste québécois, Véhicule Art, dont Vazan avait été l’un des fondateurs. Nous pouvions voir des affiches, des photographies et la lettre-patente du lieu légendaire, qui a ouvert ses portes le 13 octobre 1972, au 61 rue Sainte-Catherine Ouest, à Montréal. Si l’on peut reprocher à la première partie de l’exposition consacrée à l’œuvre de Vazan de ne pas être soutenue par des textes explicatifs, la seconde partie est néanmoins solidement documentée et clairement présentée. On nous raconte le contexte socio-historique dans lequel Véhicule Art émerge, ses fondateurs, ses objectifs et les raisons de sa fermeture. Un autre aspect à noter de cette exposition est qu’elle permettait à des étudiants du baccalauréat en histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal, dans le cadre du cours intitulé Organisation d’une exposition, de se familiariser, à travers une formule pratique et stimulante, avec les rudiments du milieu muséal. Les étudiants ont pu appliquer les connaissances acquises tout au long de leurs études universitaires dans une situation réelle. Malheureusement, leur contribution à l’événement n’a pas été mise en valeur. Il aurait été pertinent d’écrire un texte soulignant leur participation et la réalisation que chacun avait accomplis dans le cadre du projet ainsi que le but de l’exercice. Ce texte aurait pu être présenté à l’entrée, dans la première salle, afin de renseigner les visiteurs. Cependant, nous nous sommes réjouis de voir le nom de chacun inscris dans le journal du centre et d’avoir pu lire l’Entretien avec Bill Vazan d’Andréanne C.-Desfossés et Catherine Héroux. Walking Into the Wanishing Point demeure une exposition à voir pour l’originalité du concept de l’exposition fondé sur la ligne dans le travail de Vazan, qui incarne la liaison entre les hommes et les cultures et dans laquelle l’artiste tente de s’inscrire par ses interventions. Chacun de ses parcours artistiques contribue à prolonger la ligne qui lui permettra enfin de faire le tour du monde. Jusqu’au 23 juin 2007
VOX, centre de l’image contemporaine
1211, boulevard Saint-Laurent, Montréal
Heures d’ouverture : 11 :00 à 17 :00 du mardi au samedi Commissaire : Marie-Josée Jean
Étudiants participants dans le cadre du cours Organisation d’une exposition :
Saasa El-Akhrass, Catherine Héroux, Eugénie Marcil, Pascale Gagnon-Boucher, Élisa Mottard, Justine Lebeau, Geneviève Loiselle, Daniel Gagnon, Laurence Beaumier-Breton, Huguette Laperle, Jacinthe Blanchard-Pilon, Marie-Josée Roch et Andréanne C.-Desfossés.
Clin d’oeil photographique sur le monde : Bill Vazan et la ligne