Le véritable cauchemar économique, qui deviendra plus tard politique, débute en 2001. La population retire alors massivement ses avoirs bancaires à la suite d’une période de récession, entraînant ainsi « la fuga de capitales » ou « manque de capitaux » et provoque la chute du système économique. Le gouvernement de l’époque (De la Rúa) répond alors par la « Corralito », une mesure restreignant les citoyens à retirer un maximum de 250 pesos par semaine (le peso équivalant à l’époque au dollar américain). Fort mécontente de la situation, la population se mobilise et l’on assiste alors à de gigantesques « cacerolazos », manifestations agressives et bruyantes tirant leur dénomination du terme casserole, l’objet étant alors utilisé comme tambour par les manifestants. Le 20 décembre 2001, la crise atteint son paroxysme : quatre personnes perdent la vie dans une intervention policière musclée visant à contrôler la révolte aux portes de la Casa Rosada, siège du pouvoir exécutif du pays. Le président De la Rúa, ne pouvant soutenir la pression, démissionne et quitte les lieux à bord de l’hélicoptère présidentiel. Se succéderont alors non moins de cinq présidents dans une période de deux semaines. C’est finalement Eduardo Duhalde qui, en février 2002, réussira à freiner la crise économique. Il met un terme à la fameuse « ley de convertibilidad del Austral », loi instaurée en 1991 par le président de l’époque, Carlos Saúl Menem, entraînant toutefois la dévaluation du pesos argentin jusqu’à son taux de change actuel, soit approximativement trois pesos pour un dollar américain. Le niveau de pauvreté de la population atteint alors un sommet (52%), le PIB chute de 10,7% et les « piqueteros » (organisations de manifestants) jouissent d’une grande popularité. C’est dans ce contexte que sera élu Nestor Kirchner le 25 mai 2003. Lors de son mandat, il maintient la politique économique de son prédécesseur, parvenant ainsi à abaisser considérablement le niveau de pauvreté et de chômage. Toutefois, les critiques économiques affirment que cette « récupération économique » ne pourra se poursuivre sans entraîner la baisse des salaires et que le paiement total de la dette externe au FMI effectué par Kirchner n’est qu’une conversion en une nouvelle dette qui croîtra indéfiniment. L’élection : un pays, deux visages C’est dans un chaos certain que se sont déroulées les élections de 2007. Toutefois, les allégations de vols de bulletins de vote et l’impressionnant manque de personnel aux urnes ne peuvent contrer la légitimité du triomphe de la gagnante (43% des votes). Fait intéressant, cette écrasante victoire fut remportée sans conquérir une seule « ville-centre ». En effet, si dans certaines provinces Cristina Kirchner a remporté plus de 70% des votes (Salta), c’était loin d’être le cas dans la capitale fédérale, par exemple, où l’opposition de Elisa Carrió s’est imposée avec une différence de près de 20% des votes contre sa rivale. Alberto Fernández, chef du cabinet de ce district, est même allé jusqu’à accuser les Porteños (habitants de la capitale, Buenos Aires) de voter « comme s’ils vivaient sur une île à l’intérieur du pays ». Mais d’où vient donc cette dichotomie de l’électorat ? Selon le professeur de science politique de l’Université Austral de Buenos Aires Fernándo Alvarez, la réponse provient d’une part du fait que la capitale, qui présente un indice économique largement plus élevé que le reste du pays, est de ce fait beaucoup moins attentive aux politiques d’aide sociale de Kirchner. À cet effet, Tómas Garzón de la Roza, étudiant en communication (Université Austral) rajoute que cette différence socio-économique entre la ville et la province fait en sorte que la principale source d’information dans les provinces réside davantage dans les journaux dits « populaires », qui accordent beaucoup plus d’attention à ces politiques que La Nación, par exemple, un journal qui s’adresse à une clientèle possédant un certain niveau d’éducation et qui est, de surcroît, le quotidien le plus lu dans la capitale fédérale. De plus, d’après ce journal fort critique des actions du gouvernement, les Porteños, sont donc également plus sensibles aux accusations de corruption. Il a été par exemple rapporté que la semaine précédant les élections, certains députés du parti du vainqueur faisaient dons de cadeaux (nourriture, téléviseurs, etc.) aux électeurs des provinces. D’un autre cóté, le professeur Alvarez soutient que la capitale fédérale a toujours tenu un rôle traditionnel d’opposition au péronisme (mouvement auquel le parti de Madame Kirchner s’apparente). Ayant lui-même voté pour l’opposition, il explique son choix par une « recherche de l’opposition » et donc une réponse à l’hégémonie Kirchneriste. Toutefois, bien que la victoire de l’épouse de Nestor Kirchner représente une certaine continuité, dit-il, Cristina Kirchner possède une personnalité fort différente de celle de son prédecesseur. Son discours post-électoral donné en entrevue à une journaliste de La Nación démontre qu’elle est notamment beaucoup plus ouverte au dialogue que son mari, qui n’a jamais accordé une entrevue journalistique durant son mandat. Enfin, une semaine avant les élections, les médias rapportaient un grand désintérêt de la population pour l’évènement. Le taux de participation a été évalué à près de 70%, ce qui peut toutefois être considéré comme faible dans un pays où le vote est obligatoire. Ce phénomène de « desatención » est peut-être la conséquence d’une certaine désillusion du citoyen argentin par rapport au gouvernement, comme en fait foi ce commentaire d’Ignacio Rodriguez, étudiant en droit à l’Université de Buenos Aires : « Ils sont tous les mêmes, rien ne va changer. » C’est trop facile dire que les politiciens sont tous les mêmes. Et une femme comme Présidente est vraiment quelque chose d’intéressant. Il y a de plus en plus de femmes qui dirigent le monde. Bachelet dans le pays voisin, la France qui est passée tout près avec Ségolène Royale, et les États-Unis qui pourraient avoir une première Présidente dans un an. La façon de faire de la politique va peut-être changer. Pour revenir au texte, il est dit que 4 personnes sont mortes lors de l’Argentinazo de décembre 2001. Il s’agit là d’une erreur factuelle car au niveau de la littérature, il est plus souvent fait mentione de 39 morts et de centaines de blessés. Pour Cristina, je sais qu’elle est d’ores et déjà surnommée Reina Cristina. Alors, longue vie à la Reine !
Élection argentine : Presidenta avec un A