L’ armée allemande sort de sa réserve et de ses casernes. Plutôt discrète depuis sa création en 1955, la Bundeswehr remplaçante de la Wehrmacht – dissoute à la fin de la Seconde Guerre mondiale – s’implique de plus en plus dans les opérations militaires internationales. Début février 2008, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, avait réclamé le déploiement des soldats allemands dans le sud de l’Afghanistan, où les talibans reviennent en nombre. Suite à cette requête, ignorée des dirigeants allemands, Robert Gates avait profité de la 44e conférence mondiale annuelle sur la sécurité, organisée à Munich du 8 au 10 février 2008, pour critiquer ce refus : « Certains sont prêts à se battre et d’autres pas. » En plus des États-Unis, « l’Europe aussi s’attend à ce qu’elle [l’Allemagne] fasse sa part », développe Paul Létourneau, professeur d’histoire allemande à l’Université de Montréal. Aujourd’hui, l’Allemagne agit conjointement avec ses partenaires de l’OTAN et dirige le Commandement régional nord de l’Afghanistan. « Toute réduction de l’engagement allemand provoquerait chez eux des questions très critiques », a affirmé le ministre des Affaires étrangères allemand, Frank- Walter Steinmeier en juillet 2007. Justifier ses gestes Toute question de déploiement demeure sensible pour une population dont l’esprit reste occupé par le nazisme passé : « Il est important de s’assurer que l’action des militaires allemands ne soit jamais perçue en tant qu’opération d’intérêt national, mais bien dans un contexte de paix sous un mandat particulier », rappelle Till Van Rahden, professeur en Études allemandes à l’UdeM. « Dans les années suivants 1945, il existait un rejet très puissant de toute forme de militarisation. Les leaders militaires et politiques sont restés très prudents afin de légitimer le réarmement allemand. » Selon l’article 87 de la Grundgesetz – la constitution allemande –, le rôle de la Bundeswehr se définit uniquement comme un pouvoir de défense et le Deutscher Bundestag– le Parlement allemand – vote et approuve à majorité simple chacun des déploiements militaires. L’Allemagne ne veut surtout pas que les opérations de l’armée soient vues comme la continuation de la vieille conception militaire de la Wehrmacht : « Il n’est pas question d’imposer à l’Afghanistan nos propres critères, nous devons aider les Afghans jusqu’à ce qu’ils soient capables de développer leur pays de façon pacifique selon leurs propres conceptions », peut-on lire sur le site du ministère des Affaires étrangères allemand. Renforcer la sécurité internationale « Nous avons la responsabilité de la protection de notre pays ainsi que celle de remplir les obligations des cautions de l’ONU et de l’OTAN. Toutes nos missions sont des opérations de paix », précise le lieutenant-colonel Matthias Friedrich Reibold, attaché de défense auprès de l’ambassadeur allemand à Ottawa. Avec les modifications géo-politiques opérées depuis la chute du bloc soviétique, l’armée allemande agit en tant que défenseur de la stabilité mondiale, « c’est un armée défensive, proactive dans le maintien et même le renforcement de la paix internationale. S’il n’y a pas la caution d’une des deux organisations (ONU et OTAN), l’armée allemande ne se déploie pas », precise M. Létourneau, justifiant ainsi l’absence de la Bundeswehr en Irak, une guerre dénoncée par l’ONU. La Bundeswehr, déployée dans les zones les plus instables, cherche à satisfaire la communauté internationale tout en s’efforçant d’agir indépendamment de l’image qui lui colle à la peau. Reste à savoir si la chancelière allemande, Angela Merkel, se pliera aux prochaines pressions américaines. 1945 : aucune force de défense nationale n’était autorisée par les Alliés qui avaient la responsabilité de la sécurité du territoire allemand. Les seuls corps militaires existants sont la garde côtière, les douaniers et les démineurs. 1955 : création de la Bundeswehr. 1989 : chute du mur de Berlin et réunification de l’Allemagne. 1990-1991 : Guerre du Golfe. La Bundeswehr déploie des AWACS (avions de guets aériens) avec aux commandes des pilotes allemands. C’est la première opération où des militaires allemands sont impliqués hors de leur territoire. 1992 : Opération de maintien de la paix en Somalie. Première participation de la Bundeswehr à une opération multinationale comportant des actions de combat. 1999 : Opération de rétablissement de la paix au Kosovo. L’Allemagne déploie des effectifs militaires en tant que pays participant dans un cadre multilatéral. Cette opération signifie pour l’Allemagne un combat qui n’est pas nécessairement défensif. 2008 : Troisième effectif militaire présent sur le sol Afghan depuis 2003, la Bundeswehr dirige la Commandement régional nord de l’Afghanistan.
Le retour de l’armée allemande