Huit ans après la création de Kazaa, premier logiciel de partage de fichiers sur Internet, et l’apparition massive du peer-to-peer, la crise du disque se poursuit. Le constat est sans appel pour les ventes en 2007 : moins 15 % sur le marché mondial, et moins 17 % en France. En ce début d’année 2008, c’est un véritable tremblement de terre qui est venu secouer une industrie musicale en quête de renouveau. EMI, numéro 3 du disque dans le monde et maison des Rolling Stones et des Beatles, a annoncé la suppression du tiers de ses effectifs, soit plus de 2000 personnes. Guy Hands, P-DG du fond d’investissement Terra Firma propriétaire de la major, a décidé en effet d’une « grosse réduction des frais marketing, des coûts administratifs et des avances versées aux artistes ». Conséquences directes de ce choix : moins d’argent pour les artistes, moins de suivi et d’encadrement, et moins de communication autour de leurs oeuvres. La crise EMI Les réactions à ce plan drastique de restructuration ne se sont pas fait attendre. Robbie Williams et le groupe Coldplay, deux des étoiles et des vaches à lait de la maison de disques, se sont mis aussitôt en grève. Ils n’honoreront pas les contrats passés avec EMI. Pire que ça, ces deux icônes se lancent dans une ardente campagne de mise en garde contre les méfaits des majors et invitent les jeunes artistes à ne pas signer avec elles. Dans le même temps, les Rolling Stones parlent eux aussi d’indépendance. En 2006, le groupe Radiohead avait déjà quitté EMI et surpris son monde en vendant son nouvel album uniquement sur Internet, avant de le proposer en CD via la société Beggar’s. Indubitablement, l’industrie traverse une crise sans précédent et doit trouver de nouvelles perspectives de développement. Une nouvelle donne est en marche. Si l’indépendance fait souvent rêver (notamment d’un point de vue artistique), au point de donner naissance à une musique estampillée « indie », elle a toujours atteint rapidement ses limites. En effet, ce sont quatre majors (Universal Music, Sony BMG, EMI, Warner Music) qui contrôlent la quasi-totalité de la distribution de disques dans le monde. Et ce sont elles qui, au final, commercialisent les produits des labels spécialisés (ou les rachètent). Aujourd’hui, le problème de la distribution semble en voie de s’évanouir, avec la désaffection du support physique et la popularisation du format numérique. Les indépendants pourraient en bénéficier, mais les problèmes du téléchargement illégal et de la rémunération des artistes ne les épargnent pas non plus. Un nouveau modèle économique Lors du Marché international du disque (le Midem) réunissant tous les acteurs du secteur, au centre des débats, une question : comment créer de la valeur et d’où doit-elle provenir ? L’heure ne semble plus à la sanction du téléchargement. Exit les DRM (Digital Rights Management, pour protéger les oeuvres contre la copie), et bienvenue à de nouvelles façons de produire de la musique. Pour le moment, les scénarios sont multiples mais trois certitudes émergent. D’une part, les majors devront se trouver un nouveau modèle économique pour sauver une industrie en décrépitude. On évoque pêle-mêle les abonnements pour télécharger légalement (sur Internet et téléphones mobiles), le peer-to-peer financé par la publicité, ou encore les contrats à 360° (qui couvrent tous les aspects de la carrière d’un artiste, des droits d’édition aux tournées). D’autre part, il faudra nécessairement s’appuyer sur les fans et créer de nouvelles valeurs ajoutées autour des oeuvres musicales. En plein avènement du web communautaire dit « 2.0 », l’idée de faire participer le public et de le fidéliser a aujourd’hui fait son chemin. Enfin, le paysage du secteur musical risque d’être fortement bouleversé. Les labels indépendants se regroupent, deux grandes « coalitions » ont déjà vu le jour (baptisées Merlin et Impala), et commencent à négocier d’une seule voix avec les médias numériques émergents. Ils pourraient gagner davantage de poids en signant directement des contrats avec des plateformes de téléchargement, des fournisseurs d’accès ou des opérateurs téléphoniques. Coupant ainsi court au passage obligatoire par les majors pour la distribution des oeuvres. A l’extrême, c’est l’internaute même qui se mue en producteur. L’idée a été retenue par Sellaband.com aux Etats-Unis et Mymajorcompany.com en France, deux sites basés sur le système de la souscription où le public peut produire des artistes inconnus. L’évolution de l’industrie musicale reste encore floue mais pas de doute, elle se fera avec nous. Et en 2.0.
New deal pour l’industrie du son