Aux yeux des Serbes, la partition du territoire serbe est inconcevable. Ils refusent de se contenter de la partie de la province du Kosovo où habitent leurs compatriotes. Le statu quo serait la meilleure solution pour l’instant, juge le politologue de l’Université Laval Jean-Pierre Derriennic, qui connaît bien la question régionale de l’ex-Yougoslavie. Monsieur Derriennic considère que si le Kosovo déclare son indépendance unilatéralement, les Occidentaux craindront une riposte armée de la Serbie. Ils voudront éviter une énième guerre dans cette région meurtrie par des années d’affrontements. « Les Occidentaux vont probablement dissuader le président Thaci de déclarer unilatéralement l’indépendance », croit le politologue. Jean-Pierre Derriennic croit que les Serbes auront bientôt l’obligation de régler cette question. « Lorsque la Serbie décidera qu’il lui faut adhérer à l’Union européenne, elle sera prête à faire des sacrifices », explique le professeur. Mais à court terme, « les Serbes ne sont pas prêts à reconnaître l’indépendance du Kosovo ». Des élections boycottées Lors des élections du 17 novembre dernier, les Serbes du Kosovo ont boycotté le scrutin, à l’appel du gouvernement serbe. Moins de 50% des électeurs ont voté. Des 26 partis en lice, c’est celui de Hashim Thaci, le Parti démocratique du Kosovo, qui a remporté le plus de voix, soit près du tiers. Si le politologue Derriennic croit que les Occidentaux réussiront à calmer les ardeurs du nouveau président, ex-guérillero, les déclarations de ce dernier ne laissent pas présager le compromis. Au soir de sa victoire électorale, Thaci a assuré : « Nous proclamerons l’indépendance immédiatement après le 10 décembre », rapportait le journaliste Marc Semo dans un article du Monde. Réactions à la chaîne dans la région Jean-Pierre Derriennic constate que le Kosovo étant un territoire autonome, ce statut complique le dénouement de la crise. Sans le consentement de Belgrade, l’ONU et l’Union européenne se mettraient les pieds dans les plats s’ils reconnaissaient l’indépendance du Kosovo, croit-il. « On applique le droit à l’intégrité du territoire pour les régions autonomes », comme c’est le cas pour le Kosovo et la Vojvodine, qui demeurent sous l’autorité serbe malgré la tutelle de l’ONU. Les Occidentaux outrepasseraient donc leur propre principe, ce qui pourrait encourager d’autres tendances séparatistes en territoires autonomes, comme en Macédoine et à Chypre. Aussi, les Serbes de Bosnie-Herzégovine, le pays voisin, pourraient en revendiquer autant. « Dans la fraction serbe [de Bosnie-Herzégovine], certains se préparent à réagir violemment si les Kosovars poussaient vraiment leur désir d’indépendance », croit François Brousseau, chroniqueur publié dans Le Devoir du 19 novembre. « Le statu quo est dans l’intérêt de tout le monde, sauf des Occidentaux qui veulent se retirer », croit M. Derriennic en faisant référence à la tutelle de l’ONU. Ils pourraient menacer de se retirer et de laisser les Serbes riposter afin de calmer les ardeurs de Thaci. De l’avis du politologue, le « bras de fer où on émet des menaces que personne n’exécute va continuer longtemps ». « Peut-être que je suis trop optimiste », laisse-t-il tomber.
Une enième guerre des Balkans est-elle à prévoir ?