« Avant même les deux guerres mondiales, un Traité sur l’Arctique a été envisagé », explique Joël Plouffe, chercheur à la chaire Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM. Ce traité aurait défini les frontières des cinq États frontaliers : Canada, Danemark, États-Unis, Norvège et Russie. Si un tel traité ne s’est jamais concrétisé, M. Plouffe pense qu’il aurait pu laisser à la Russie et au Canada une portion énorme, proportionnelle à leurs territoires, en laissant aux États-Unis une petite tranche. « Si l’on divise l’Arctique en tarte, l’inégalité est frappante », conclut-il. Stéphane Beaulac, qui enseigne le droit international à l’UdeM, estime qu’un Traité de l’Arctique serait actuellement tout à fait envisageable dans la mesure où ce qui est en litige est régi par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et par la Commission des limites du plateau continental. Quand le droit rencontre la géologie « La zone maritime de chaque État côtier est sous juridiction internationale. Mais le droit international reconnaît le droit national de chaque pays jusqu’à une limite des 200 miles marins », explique Suzanne Lalonde, qui enseigne également le droit international à l’Université de Montréal. Au-delà des 200 premiers miles marins [environ 370 km], dans la zone de haute mer, sous juridiction internationale, les pays doivent prouver que leur plateau continental se poursuit pour avoir un droit d’exploitation. La Commission internationale du plateau continental peut alors étendre la limite jusqu’à 350 miles marins. C’est là tout le litige entre le Danemark, la Russie et le Canada à propos de la dorsale Lomonossov, là où la Russie a planté un drapeau cet été. Chaque pays tente de prouver que cette chaîne de montagnes sous-marine qui traverse l’océan Arctique prolonge « son » plateau continental. Suzanne Lalonde rappelle que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce canadien a jusqu’en 2013 pour recueillir les preuves suffisantes, soit 10 ans après qu’il ait ratifié la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. C’est ce qui fait dire à nombre d’experts que les États-Unis n’auront pas d’autres choix que de ratifier, eux aussi, la convention. « Jusqu’à maintenant, le sénat bloque la ratification, ce qui empêche les États-Unis de participer à tous les débats », explique M. Plouffe. Mais selon lui, face aux données scientifiques prouvant que la glace fond, ils ne peuvent plus continuer à ignorer le traité. En vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, les États-Unis ont jusqu’en 2009 pour tracer leurs frontières maritimes dans la région de l’Alaska, ce qui confèrerait à une portion des eaux arctiques le statut de territoire national états-unien. Un aspect important, qui concerne directement la route maritime du Nord-Ouest. Le passage du Nord-Ouest Le passage du Nord-Ouest permet aux navires de joindre directement l’Asie et l’Europe, en passant par la mer de Barents, dans l’Arctique, et en redescendant par le détroit de Bering, qui sépare l’Alaska et la Russie. Selon le Canada, ce passage est situé dans ses eaux intérieures. Il en aurait donc la souveraineté. Selon les États-Unis, mais aussi pour l’Union européenne et le Japon, c’est un détroit international, parce qu’il permet de rejoindre deux océans. Le différend dure depuis près de 40 ans et pourrait s’intensifier à mesure que les glaces fondent et augmentent ainsi la période de navigation. Frédéric Lasserre, chercheur à l’Institut québécois des hautes études internationales de l’Université Laval, croit que les autorités américaines ne sont pas hostiles à l’idée que le Canada s’affirme en Arctique. « Les Américains n’ont pas une attitude agressive envers le Canada. Ils défendent simplement le dogme de la liberté des mers. L’important pour eux, c’est qu’ils puissent faire circuler leurs navires militaires », explique-t-il. Selon lui, il faudrait que le Canada reconnaisse que c’est un détroit international et que les États-Unis lui en accordent la gouvernance, c’est-à-dire un rôle de police quant au respect des règles environnementales. Mme Lalonde estime elle aussi qu’il faudrait donner satisfaction à Washington en prévoyant un accès pour leurs navires. « Mais si on laisse passer les Américains, comment dire non aux Chinois ? », souligne-t-elle. Selon la spécialiste, on ne peut pas juste s’entendre à l’amiable : il faut faire admettre la souveraineté juridique du Canada. Chronologie 1959 : Signature du Traité de l’Antarctique
1969 : Le pétrolier américain S.S. Manhattan franchit le passage du Nord-Ouest sans l’accord du Canada
1973 : Le Canada et le Danemark conviennent de délimiter le plateau continental entre le Groenland et le Canada.
1985 : Le brise-glace américain CGS Polar Sea franchit le passage du Nord-Ouest.
1985 : Le gouvernement du Canada annonce sa décision d’exercer sa pleine souveraineté sur les eaux de l’archipel arctique
1988 : Le Canada et les États-Unis concluent un accord de « coopération arctique » en vertu duquel les brise-glaces américains qui prévoient de s’avancer dans le passage du Nord Ouest doivent demander au préalable l’autorisation du Canada.
2000 : Le gouvernement du Canada publie Le volet nordique de la politique étrangère du Canada, qui comprend une politique d’affirmation de la souveraineté canadienne dans le Nord.
2004 : Discours du Trône annonçant une « stratégie pour le Nord ».
9 juillet 2007 : Le Canada annonce la construction et le déploiement de six à huit nouveaux navires de patrouille en haute mer, capables de circuler dans les eaux arctiques (quatre mois par an).
3 août 2007 : Une expédition russe plante un drapeau en titane à 4000 mètres sous le pôle.
10 août 2007 : Le gouvernement canadien annonce la construction d’un port en eaux profondes et d’un centre d’entraînement militaire dans le nord de l’île de Baffin. Le contingent des Rangers canadiens sera revu à la hausse. Conséquences du réchauffement climatique sur les populations inuits Loin des débats, les populations inuits subissent de plein fouet les changements climatiques. « Ils n’en discutent pas : ils les vivent », explique Joël Plouffe, chercheur à la chaire Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM. « C’est la survie d’un peuple qui en jeu. Qui parle des maisons qui s’effondrent ? De la pêche qui se raréfie ? », regrette quant à elle Suzanne Lalonde, professeur de droit international à l’UdeM. « C’est un grand problème et ce n’est pas nouveau. Les gens du Nord veulent se faire entendre par Ottawa et ils ne sont pas écoutés. Pendant les dernières semaines, on a entendu parler de camps d’entraînement, de patrouilles, de brise-glaces et jamais des Inuits proprement dits », déplore M. Plouffe. Le silence plane sur le développement économique de cette région et sur l’aide à apporter aux populations. Selon lui, c’est la plus grande erreur du gouvernement canadien, les plus grandes responsabilités d’un gouvernement étant de protéger sa population et de subvenir à ses besoins. Le journal indépendant de l’Université de Montréal Quartier Libre est le principal journal des étudiants de l’Université de Montréal (UdeM). Organe de diffusion indépendant de la direction de l’UdeM, Quartier Libre est un bimensuel distribué à plus de 7000 exemplaires sur et autour du campus. Quartier Libre compte sur la collaboration de plusieurs étudiants (dans différents domaines d’étude) de l’UdeM et de quelques journalistes extérieurs. Il se veut un journal école, un tremplin pour les étudiants qui souhaitent faire carrière en journalisme et se donne comme mandat de traiter de tous les sujets chauds du campus de l’UdeM et d’ailleurs, de faire des analyses sur des thèmes de société et internationaux et de promouvoir la culture émergeante qui n’est pas ou peu couverte par les autres journaux québécois. Innovateur et dynamique, il a été nommé « meilleur journal étudiant du Canada » par Paul Wells, chroniqueur au magazine canadien Macleans. L’ensemble de la rédaction est rémunéré pour son travail. L’équipe rédactionnelle 2007-2008 est composée de Rachelle Mc Duff (directrice et rédactrice en chef), Clément Sabourin (chef de pupitre campus), Julie Delporte (chef de pupitre culture), Thomas Gerbet (chef de pupitre société-monde) et Clément de Gaulejac (directeur artistique).
Échauffement des nationalismes