Q. L. : Depuis votre élection, il y a cinq mois, le calendrier parlementaire n’a pas été très chargé. La reprise des séances le 16 octobre vous stresse-t-elle ? S-P. D. : J’ai tout de même travaillé fort ces derniers mois. En juin, j’ai dû préparer sept heures de débats avec la ministre de l’Environnement Line Beauchamp. Pendant l’été, je me suis plus concentré sur les questions touchant mon comté ainsi que l’approfondissement des dossiers. Mais je ne suis pas nécessairement stressé par la rentrée parlementaire. Avoir travaillé au Parlement jeunes m’aide énormément car c’est une copie conforme du fonctionnement de l’Assemblée nationale. J’attends la prochaine session avec beaucoup d’impatience. Q. L. : À huit ans, vous suiviez votre père dans ses campagnes [il était candidat du Parti libéral]. À 16 ans, vous êtes entré à l’ADQ avant de prendre la direction, trois ans plus tard, de la Commission des jeunes du parti. Candidat à 22 ans, vous êtes élu sur-le-champ. Comment se trouve-t-on un destin politique si jeune ? S-P. D. : Il y a des jeunes qui sont initiés très tôt à la peinture, au théâtre, et qui vont vouloir faire ça toute leur vie. Moi, c’est la politique ou plutôt le « jeu » politique qui m’ont marqués dans mon enfance. Ensuite, je n’ai pas fait que suivre les idées de mon père, j’ai accroché à d’autres idées, davantage de ma génération. Une fois que tu as le pied dans le monde politique, c’est difficile d’en sortir. Q. L. : Vous avez été élu avant même de terminer votre baccalauréat en droit. N’est-ce pas un handicap dans un milieu où le curriculum est si important ? S-P. D. : J’ai suivi six cours cet été, il ne m’en reste plus qu’un pour obtenir mon diplôme. C’est vrai que le CV a son importance, mais une fois que tu es élu, les gens sont prêts à te donner une chance. Certes je suis jeune et je n’ai pas connu grand-chose mais les gens reconnaissent ma fraîcheur et mon dynamisme. Croire en ses idées, faire une campagne avec peu de moyens et se faire élire, c’est déjà un accomplissement important. Les gens ne me dénigrent pas, au contraire. Et puis, d’une manière générale, si tu regardes les ministres, il n’y en a pas beaucoup qui ont étudié dans le domaine où ils exercent. Moi-même, je n’ai pas de formation en environnement [il est porte parole de l’opposition officielle en matière de développement durable et d’environnement]. Un ministre doit être un bon porteur de dossier. L’équipe autour de lui se doit en revanche d’avoir étudié dans le domaine ou d’y avoir de l’expérience. Mais pour se faire une idée générale et y aller d’une politique cohérente avec celle du gouvernement, n’importe qui peut faire ça. Il suffit d’être intelligent et de travailler ses dossiers. Q. L. : Vous avez été élu avec 37 % des voix dans Marguerite-d’Youville, comment gagne-t-on la confiance des ainés à 22 ans ? S-P. D. : Je ne me fais pas d’illusion, les gens n’ont pas voté pour moi. C’est essentiellement le parti qui a gagné. Ce n’est un secret pour personne, les candidats ne sont responsables que de 10 % du résultat final. Le reste, c’est la campagne nationale. Je suis chanceux de m’être retrouvé au bon endroit au bon moment. Q. L. : Avez-vous dû batailler pour vous faire une place au sein de votre parti ? S-P. D. : La jeunesse n’est pas un handicap. En politique, ce n’est pas l’ancienneté mais ce que tu es capable de faire qui est important. Quand je suis arrivé, je n’étais pas un nouveau né dans le parti. Je fais de la politique active depuis mes 16 ans. Je suis membre de mon parti depuis plus longtemps que la majeure partie des députés élus de l’ADQ. Q. L. : Si votre parti prenait le pouvoir aux prochaines élections provinciales, ambitionneriez-vous un poste ministériel ? S-P. D. : C’est sûr que j’ai de la chance, je me retrouve avec un dossier qui est à l’avant scène [l’environnement]. Je pense que le ministère de l’Environnement m’intéresserait. Q. L. : En mars, pendant la campagne électorale, vous avez déclaré à propos du projet de développement hydroélectrique de la rivière Grande-Baleine : « il y aurait des impacts environnementaux et certains autochtones devraient être déplacés, mais au bout du compte, ça vaudrait la peine car 50 000 emplois seraient créés ». C’est ça votre vision de l’environnement ? S-P. D. : Ce n’est qu’un point parmi une vingtaine d’autres. Un barrage hydroélectrique a certes des impacts environnementaux, mais au moins ça crée de l’énergie plus verte que le charbon. L’hydroélectricité, c’est la grande richesse du Québec, elle nous a rempli les poches et permet la mise en place de bon nombre de programmes sociaux. Pendant 10 ans, on a mis un frein à ce développement alors que c’était payant et propre. Notre créneau adéquiste, c’est de mettre le paquet sur l’énergie verte pour à terme être capable de la vendre à bon prix et subvenir à tous nos besoins grâce à son exportation. Q. L. : Vous avez collaboré au Pigeon dissident, le journal des étudiants en droit de l’UdeM. Si vous étiez journaliste, quelle question aimeriez-vous vous poser ? S-P. D. : Le thème le plus intéressant à explorer sur quelqu’un comme moi, c’est sur le plan humain. J’arrive en politique, j’ai 22 ans et suis entièrement entouré d’adultes, contrairement à d’autres qui sont encore à l’université, portent des jeans tous les jours et vivent la vie d’étudiant à temps plein. Moi, j’ai sauté de cette vie-là à l’autre vie dans un claquement de doigts. Est-ce que je regrette certaines choses que je n’ai pas pu faire dans ma vie parce que je suis arrivé dans ce monde trop rapidement ? Je suis encore incapable de répondre. Est-ce que je vais le regretter ? Je le saurai plus tard. Le journal indépendant de l’Université de Montréal Quartier Libre est le principal journal des étudiants de l’Université de Montréal (UdeM). Organe de diffusion indépendant de la direction de l’UdeM, Quartier Libre est un bimensuel distribué à plus de 7000 exemplaires sur et autour du campus. Quartier Libre compte sur la collaboration de plusieurs étudiants (dans différents domaines d’étude) de l’UdeM et de quelques journalistes extérieurs. Il se veut un journal école, un tremplin pour les étudiants qui souhaitent faire carrière en journalisme et se donne comme mandat de traiter de tous les sujets chauds du campus de l’UdeM et d’ailleurs, de faire des analyses sur des thèmes de société et internationaux et de promouvoir la culture émergeante qui n’est pas ou peu couverte par les autres journaux québécois. Innovateur et dynamique, il a été nommé « meilleur journal étudiant du Canada » par Paul Wells, chroniqueur au magazine canadien Macleans. L’ensemble de la rédaction est rémunéré pour son travail. L’équipe rédactionnelle 2007-2008 est composée de Rachelle Mc Duff (directrice et rédactrice en chef), Clément Sabourin (chef de pupitre campus), Julie Delporte (chef de pupitre culture), Thomas Gerbet (chef de pupitre société-monde) et Clément de Gaulejac (directeur artistique).
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